Jeu 3 : Avec les mots d’un autre
Choisissez un vers parmi ces quelques vers d’Apollinaire ; Vous développerez un texte commençant par le premier mot et se terminant par le dernier et dans lequel les autres mots apparaîtront dans l’ordre.
– Nous regardions longtemps les villes riveraines
– Les pétales flétris sont comme ses paupières
– Il faut ce soir que j’assassine
– J’ai hiverné dans mon passé
– Que je m’ennuie entre ces murs tout nus
– Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre
– A la fin tu est las de ce monde ancien
– J’ai hiverné dans mon passé
J’ai longtemps été persuadé que seuls certains animaux s’engourdissaient dans un
demi-sommeil en hiver. Mais il faut bien le reconnaître moi aussi j’ai hiverné
car, comme tout être humain, j’ai gardé bien enfoui dans mon cerveau un repli
de ma mémoire où dorment des images du passé.
J.Z.
–A la fin tu est las de ce monde ancien
A la fin du mois c’était toujours la même chose, les mêmes sujets de conversation qui revenaient lors de ces repas de famille-familles recomposées, décomposées, monoparentales voire homoparentales. Ces repas qui n’en finissaient pas autour de la plâtrée de pâtes de chez Lidl seule nourriture consistante que nous permettait le RSA en fin de mois. Mais à nous voir si nombreux rassemblés et partageant sans chichis les macaronis du Secours Populaire on aurait pu voir en nous une vivante représentation de cette formule qui résumait si bien l’esprit qui régnait sur les rond-points où nous nous étions retrouvés tous les samedis durant cette année 2019 juste avant la grande pandémie : « Fin du mois début du nous. » On s’y retrouvait aussi en semaine sur les rond-points enivrés de notre succès- n’avait-on pas fait vaciller le pouvoir?ou à tout le moins les certitudes et le mépris de ce jeune président si arrogant ? Pourtant le mouvement s’était effiloché, on s’était divisé, démobilisé au fil du temps. « Au début tu es là tous les jours, disait Jérémy, mais à la fin tu finis par être las carrément… » Oui nous les gars de la périphérie, on était sortis de la zone de relégation et marginalisation convergeant d’un même mouvement vers le centre où la la brutalité mutilante et énucléante nous avait vite fait comprendre qu’il ne serait pas si facile que ça de venir à bout de ce monde ancien.
FV
- Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre.
- Une année je décidais de repartir en voyage très loin accompagnée d’une vieille amie. Cela faisait très longtemps que nous n’avions pas voyagé ensemble. Pourtant que de souvenirs où à chaque fois nous faisions la paire dans nos aventures. Je contrôlais mes chaussures en attendant son arrivée. Elles étaient encore parfaites malgré les marques jaunes dues au vieillissement. Je me mis à les raviver en m’asseyant devant mon pas de porte. Après plusieurs minutes le résultat fut assez probant. Elles seraient parfaites pour cette fois-ci. Je finissais de boucler ma valise quand j’entendis : « Alors prête pour notre nouvelle aventure ?
C’était Aline à la fenêtre.
H.L.
Une vieille maison blottie au bord du canal me faisait un large sourire avec sa porte largement ouverte, et sa glycine comme une opulente chevelure.
Une paire de gants près d’un panier et d’un sécateur attendait la cueillette prochaine, sans doute des roses qui dodelinaient tout près. Une silhouette, chaussée de chaussures jaunes surmontée d’une gracieuse capeline apparut devant la fenêtre.
DDou
Il faut ce soir que j’assassine
Il faut. Vous devez. Je n’en peux plus de ces injonctions. Pas vous ?
Elles nous enferment dans des exhortations et des obligations.
Je ne veux plus. Je n’en veux plus. Hors de ma vue, hors de mes oreilles, hors de mes yeux.
Aussi ce soir, je rêve et décide que ces mots, je les assassine.
DDou
Il faut ce soir que j’assassine
Il faut absolument que je termine mes jeux d’écriture ce soir. J’ai promis à Dominique que je continuerai à participer une fois partie, ce n’est pas pour me défiler dès le premier mois ! Sinon Dominique m’assassine…
L.D.
Il faut ce soir que j’assassine
Il faut que je reconnaisse ma légèreté. Mais soyez indulgent : j’arrive à la ville pour faire mes études. Je suis enfin libre…enfin, je le serai bientôt parce que pour l’instant ma chambre d’étudiante n’est pas disponible et, ce soir, L’oncle Paul et ma tante Monique ont accepté de m’héberger.
Ma tante refuse mon aide, aussi, en attendant le repas, j’explore l’appartement dans la lumière tamisée des persiennes. 9A sent la cire, les meubles cossus se détachent des lourdes tentures. Au milieu de la pièce trône un grand piano dont la laque miroite dans la pénombre. Mes doigts aimantés, s’approchent du clavier et restent un moment en suspens. Je ne résiste pas…une note, une seule…puis deux… enfin mes doigts courent sur le clavier joyeusement et forment des accords qui m’enchantent. Je n’entends pas les pas de mon oncle, juste sa voix de stentor exaspérée, qui brise à jamais mes élans de composition et d’interprétation en clamant que c’est Mozart que que j’assassine.
ddor