Chapitre 4
Journal de Joséphine
17 décembre
Je piétine dans mon enquête, Les questions s’accumulent et pas les réponses.
Heureusement qu’il y a eu le week-end à Toulouse chez mon homme , Aldo, que je vois peu en ce moment tellement je suis captivée par mon enquête. Aldo est l’homme qu’il me faut, je l’aime mais je ne sais pas si je le mérite. S’il savait que ma venue à Toulouse avait à voir avec une anecdote glissée au cours de la conversation qui faisait allusion à une vente aux enchères de livres anciens, samedi dernier, il serait peut-être triste. Le vendredi, je me suis précipitée à la salle des ventes avant même de poser mon sac chez lui. Pour mon enquête, c’était l’occasion de comprendre comment fonctionnait le marché du livre pour les bibliophiles. Comme j’étais seule, l’employée m’a accompagnée. Comprenant vite que je n’avais pas l’intention d’acheter quoi que ce soit, elle a quand même gentiment attiré mon attention vers les pièces les plus importantes de cette collection qui appartenait à un vieux bibliophile décédé depuis peu : un exemplaire partiel et abîmé du « Songe de Poliphile », ouvrage imprimé de la fin du XVème siècle (ce qui en restait était magnifique), quelques lettres autographes de Voltaire à madame du Deffand, un manuscrit de l’auteur libertin Crébillon fils ( sur la page ouverte des pattes de mouche et des ratures entremêlées). Pas le temps de voir les autres ouvrages, la salle était sur le point de fermer, mais elle m’a suggéré de venir assister à la vente, si toutefois je portais une tenue un peu plus décente (j’avais ma robe indienne verte et un grand châle imprimé dans les rouges offert par Aldo). En rentrant, j’ai consulté la gazette du bibliophile. Zut ! j’ai lu, dans la notice d’un ouvrage que je n’avais pas eu le temps de remarquer, un Atlas du XVIIIème siècle, qu‘il avait été vendu en 2001 par les Barbier-Mueller à son propriétaire actuel. Trop tard pour le voir.
Aldo a préféré aller courir. Je me suis discrètement glissée dans la salle, en tailleurs gris souris, prenant soin de ne pas bouger et de tout observer. Je n’en reviens pas des sommes faramineuses auxquelles sont montées les enchères : 53 000 euros pour le Crébillon, 150 000 pour le Poliphile ! Je n’étais pas arrivée quand l’atlas a changé de mains et n’ai pas pu savoir le niveau des enchères. Que pouvait valoir la collection Barbier Mueller ? Comment disposer de tant d’argent ? Peut être avaient -ils des dettes ? On dirait que leur collection s’est évaporée. Leur galerie parisienne a été vendue après leur décès, je l’ai lu dans des journaux de l’époque, mais aucune trace par contre du devenir de leurs livres.
Le manuscrit est un rescapé et s’il est authentique, il doit être côté à plusieurs centaines de milliers d’euros. Sans certification, on n’est sans doute pas près de le voir dans les circuits de vente officiels. Il doit exister d’autres filières… A moins que le manuscrit intéresse personnellement le voleur ou son commanditaire, qu’il participe à des rites occultes ou sectaires. A partir du catalogue de l’exposition, de dois me renseigner sur son contenu…même si je n’en ai pas envie.
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