Chapitre 7
Journal de Joséphine
7-1 2024
Madre mia , Quel week-end !
Ça commençait mal. Vendredi matin , toujours aucune nouvelle d’Aldo. Je suis partie au boulot la boule au ventre et d’une humeur massacrante.
Je me replie à mon bureau sur les tâches administratives… Ça n’empêche pas un lecteur de m‘apostropher. Il me rappelle qu’il m’avait demandé le 101ème livre du répertoire. Pour sûr, que je m’en souviens. Il a compris, dit-il, en nous voyant préparer le désherbage, qu’il avait mal formulé sa demande : il souhaiterait le 101ème livre du répertoire de la fin des années 90. Comme je reste sans voix, éberluée, il m’invite à écouter son histoire qui me sortira, dit-il de ma morosité.
A cette époque là, son oncle, Albert Neuville s’occupait du fonds historique très riche de la commune. La mairie souhaitait acquérir un manuscrit exceptionnel, du XVème siècle , relatif à l’histoire du diocèse. Pour cela, il fallait se défaire d’un des joyaux du fond municipal ; il se souvenait , car il était alors en vacances chez son oncle, avoir assisté à des conversations acharnées qui ont abouti au choix. Mon oncle était attaché, viscéralement, à chacun des ouvrages. Ils ont fini par jeter leur dévolu sur l’ hagiographie d’un nobliau impliqué dans l’histoire locale, Geoffroy de Treville. C’était un manuscrit magnifiquement enluminé mais que le maire jugeait sulfureux à cause de sa reliure en peau humaine. Mon oncle, spécialiste de l’occitan ancien l’avait lu et avait même traduit certains passages, en particulier celui qui relatait les liens particuliers entre le chevalier et son barbier , Paul, qui était son homme de confiance (il vaut mieux, car chaque jour, on confie son cou à son sabre) et aussi son exécuteur de basses œuvres ;Il l’avait fait anoblir pour services rendus .
La légende disait qu’il avait prélevé la peau du dos de son seigneur mort sur le champ de bataille, comme une relique et que celle-ci avait servi à la couverture en peau humaine du manuscrit à la gloire du chevalier, alors que la reliure réelle, pour mon oncle, était en parchemin classique. Mais cela, les autorités ne voulaient pas l’entendre et il ne fut pas question de vérification.
C’est cette histoire de barbier qui avait décidé une richissime bibliophile dont il avait oublié le nom (moi, non) à acheter le manuscrit, à un prix faramineux .
Il avait tout oublié de l’affaire, jusqu’à l’enterrement de l’oncle Albert, il y a un mois. Elle avait ressurgi dans sa mémoire avec un détail supplémentaire : l’homme, un peu excentrique, s’était consolé de la perte du manuscrit et du déni de ses hypothèses en insérant secrètement sa traduction dans le 101ème livre de la bibliothèque de Cantepau ( celle-ci), après la 101ème page…
Je l’ai assuré de mon aide avec une telle spontanéité que ça l’a fait rire. « Je savais que je vous dériderais » a-t-il ajouté avant de s’éclipser… mais Motus ! N’en dites rien à personne !..
Ça alors ! La fin de l’histoire du manuscrit livrée sur un plateau ! Je n’en suis pas revenue de toute la journée.
Le choc en a été d’autant plus violent à la sortie, en tombant sur Aldo, un Aldo que le ne connaissais pas, froid, raide, tendu et infiniment triste. Tous les mots que j’avais préparés se sont évaporés, je ne sais pas ce que j’ai bredouillé et nous avons rejoint mon studio dans un silence aussi glacial que l’air de janvier.
A peine la porte franchie, il est allé au mur de données. Dans la seconde, il a pointé le post-it « Paul barbier – Tokyo »
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