L’intempérie (2005), Pedro Mairal
Pedro Mairal est un auteur contemporain argentin. J’aime son humour noir acide pour dépeindre la société argentine (Une nuit avec Sabrina Love, Salvatierra, Uruguayenne). L’intempérie est une œuvre à part où il prend le lecteur à bras le corps, le malmène et ne le laisse pas respirer ; la peur s’installe, le malaise ; le livre obsède.
C’est une dystopie qui présente l’Argentine dans une situation apocalyptique.
Le pays est victime d’une intempérie qui n’est jamais décrite (ce qui accroît le sentiment d’insécurité) ; mais on en vit les conséquences : elle laisse derrière elle le désert, désorganise la société et fait régresser les humains.
La narratrice, Maria Valdes Reynal témoigne de ce tourbillon dans lequel elle est engloutie et où elle nous entraîne.
La population du pays, chassée par l’Intempérie se concentre à Buenos Aires :
« Les avis étaient partagés. On discutait de savoir si ce que nous vivions était le siège de la capitale ou s’il s’agissait seulement de gens qui avaient migré vers les rues du centre pour fuir l’intempérie et mendier la nourriture. Les uns disaient qu’il fallait sortir, les autres qu’il fallait rester à l’intérieur »
La ville est donc victime du cataclysme : immeubles qui effondrent, d’autres qui se barricadent, nouveaux réseaux de circulation par des tunnels qui relient quelques bâtiments ou permettent l’accès aux supermarchés, la rue étant devenue un territoire sans droit. La ville devient un labyrinthe inextricable. Tous les repères s’effacent Les hommes et les femmes pris dans cette tourmente se replient dans un état individualiste, régressif et violent.
L’écart entre les riches et les pauvres devient abyssal et les premiers attachés à sauver leur peau abandonnent les autres ; des mouvements révolutionnaires très violents subissent une répression encore plus féroce, la plupart des humains se replient dans leur communauté originelle dont ils retrouvent la langue, les habitudes, niant les droits des autres et par-dessus tout ceux des femmes.
Ce cataclysme est une allégorie de la grande crise économique qui a secoué l’Argentine dans les années 2000, mais elle peut, plus largement englober toutes les crises climatiques, économiques et sociales à venir.
C’est un livre étouffant, sans échappatoire, difficile à supporter car la réalité n’est pas loin.
Dominique Dor.