Y revenir (2012), Dominique Ané
Y revenir est un livre autobiographique du musicien et chanteur Dominique Ané qui conte sa relation avec la ville de Provins. Un excellent chanteur mais aussi une excellente plume. Il raconte sa ville natale qu’il décrit alors qu’il n’y est pas retourné et a fait sa carrière à Nantes. C’est une sorte d’appel, une nostalgie, il la raconte avec tous ses souvenirs pas toujours chaleureux mais le récit est très poétique et très intimiste.
Il explique sans trop comprendre pourquoi ce lieu ne cesse de le hanter alors qu’il a une répulsion pour cette ville « imbue de son passé » « entourée de champs de betteraves » « la plaine désole et isole » qui lui provoquait l’ennui. La ville reste hors de la modernité : elle « refuse de lâcher la bride au présent » et se caractérise par « à peine un peu de vie » et de l’humidité (« une allée conduit à une pente terreuse où je m’embourbe quand il pleut et il pleut souvent »). C’est une ville de province étouffante où ni l’auteur ni ses parents ne se sentent à leur place.
Le premier lieu est « la Bretonnière », le bout du monde : « Trois kilomètres qui nous séparent de la ville. Cette courte distance suffit à nous couper de ce que j’imagine être la vie normale ».
Provins, la ville où la famille s’installe peu après n’a pas plus d’attrait. Ce livre est un voyage à rebours il ausculte les lieux, les êtres rencontrés, il évoque les sentiments qu’il a éprouvés d’ailleurs il a consacré deux de ses chansons à Provins (Seine-et-Marne) : « Rue des marais » et « les terres brunes. » où règne une certaine mélancolie.
Il décrit avec un style profond une succession de sensations, d’images, de portraits et l’expérience de l’enfant unique. C’est grâce au chant et la musique qu’il va trouver sa place loin de toutes ses peurs.
Dominique A est un solitaire qui craint le monde extérieur et s’en protège en s’inventant un monde de fiction. Complexé, il n’est pas à l’aise à l’école et pas complètement avec ses amis Vincent et Stéphane. Il ne se sent pas à égalité avec Vincent, brillant et ironique qui vit dans une famille « vivante » mais il partage avec lui la passion de la musique. Ils montent un groupe à l’époque du lycée.
C’est en 2011 aux pieds des remparts qu’un concert a lieu qui réservera à Dominique d’étranges surprises et des révélations confirmant que le lien à l’enfance et la mémoire sont très importants. On comprend alors ce désir d’écrire sur sa ville où il vécut son enfance et son adolescence. Il rêvait de quitter sa ville et finalement ne pense qu’à « Y revenir ».
On pense souvent que tout est mieux ailleurs mais on s’aperçoit que ce ne sont pas les lieux qui nous manquent mais les souvenirs que nous en avons. Le style du livre est beau, les phrases sont courtes, pas de critiques seulement des ressentis. Attachant et subtil. Dommage qu’il soit trop court.
Voici un passage qui fait comprendre pourquoi l’auteur n’y reviendra plus ! Après son concert aux pieds des remparts un des organisateurs a dit :
« Il faut se réjouir de la rancœur que Dominique vouait à Provins compte tenu des chansons qui en avaient découlé. »
En fait, loin de rejeter Dominique, la ville lui était reconnaissante d’avoir transfiguré sa tristesse. Dominique a eu l’impression qu’un nœud s’était dénoué qu’une réconciliation entre le lieu et lui s’était produite et qu’il n’aurait plus besoin d’y revenir.
Béatrice et Dominique Dor.