Feuilleton étape 5
Réponse d’Anne Cristin à Margot Bourdalet
Margot,
Suite à ma demande concernant mes « invitées » , Léontine et Léonore, je suis très surprise de ta réponse. Je ne sais pas si en rire ou être offusquée. Je croyais que tu étais nommée médiatrice pour aplanir les problèmes. Je me permets de te dire que ta réponse n’est ni adaptée à la demande que je t’ai faite ni à ta fonction de médiateur. En effet, tu sembles plus vouloir mettre de l’huile sur le feu que régler une situation au demeurant pas très compliquée. De plus me faire parvenir le tarif de tes « honoraires » me semble totalement étonnant du fait que tout le village se met en 4 pour recevoir les nouveaux bénévolement.
Je te remercie quand même et t’informe que Léontine, Léonore, les enfants et les chiens sont déjà repartis avec pour ma part un sentiment de regret et d’échec.
Le secret du tatouage, faustine
Sous l’abri de bus, près de la mairie , un panneau d’affichage présentait les événements festifs de la commune. Je m’approchai donc afin de pouvoir me rendre compte de ce qui était proposé et pour avoir une petite idée du dynamisme de la cité .Deux jours avant notre arrivée , une sortie avait été programmée : un festival de country se déroulait à Valgorge ,bourgade à quelques kilomètres de Castelvielh . Des danseurs habillés en cow-boy, chaussés de santiags et coiffés de l’indétrônable « stetson » paradaient , avenants et souriants. Les manches relevées laissaient apparaître le poignet sur lequel était dessiné le tatouage que j’avais remarqué sur mes yogis. Enfin ce que j’avais pris pour un tatouage ! En fait , il s’agissait d’ un tampon , sésame qui permettait les allées et venues au sein de ce festival .
Mes yogis étaient aussi des danseurs de country .
Solange
Je me sens bien ici.
Les villageois sont très accueillants, l’environnement est très agréable et il y a plein de choses à faire avec toutes ces associations qui œuvrent pour le bien être de la population.
Je me suis d’ailleurs essayée au yoga avec Faustine qui est aussi une prétendante à l’installation dans Castelviehl.
Elle est très chouette cette fille. J’espère qu’elle va pouvoir rester !!
Nous avons papoté toutes les deux après le cours. Elle était contente qu’il y ait autant de monde pour tester le yoga. Et puis elle se sent bien aussi ici.
Elle m’a alertée sur une curiosité que je n’avais pas remarquée: plusieurs personnes portent le même tatouage sur l’avant bras !
Ca c’est bizarre quand même !! Une secte ? Une communauté ? Une marque comme celle que les nazis ont faites sur les juifs ? En cette période de commémoration des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz, ça m’interpelle !
D’autant que, apparemment, le grand-père d’Antoine Coustou aurait eu des antécédents peu avouables il y a qqs années dans le village voisin. Peut être que c’est une des raisons pour lesquelles Antoine ne reste pas !
Je me demande si le grand-père avait aussi un tatouage ?
A moins que ce ne soit lui qui les ait fait aux autres villageois ?? Ça m’intrigue tout ça !
J’aime bien me balader dans les environs avec ma Skippy et son chéri Hector.
Ils s’aiment bien tous les deux.
Et il y a une petite nouvelle, Gabriella je crois, qui les a amadoués. Dès qu’ils la voient, ils foncent vers elle pour se faire caresser. Elle qui en avait peur au début, ils sont souvent fourrés ensemble !
D’ailleurs, ils l’ont protégée contre une femme qui vient d’arriver dans le village. Une certaine Ursula ! Elle n’inspire pas confiance. Skippy grogne toujours à son approche.
Je ne veux pas trop me mêler de ce qui ne me regarde pas, je ne fais pas encore partie intégrante du village, mais je suis quand même allée fouiner près de sa voiture pour regarder dedans. Tatouille était déjà là. Quel curieux celui là, on dirait sa maitresse !!
Elle m’a surprise alors que je regardais à travers les vitres.
« Qu’est ce que vous cherchez ?? »
« euh… bonjour ! …euh…Rien… j’aime bien les 4l. J’en avais une quand j’étais jeune. C’était ma première voiture. «
« oui ben ce n’est pas une raison pour fouiner dans celle des autres ! »
« euh… c »est vrai, pardon, je ne voulais pas vous offenser… »
«oui ben cassez vous !!
J’ai vite tourné les talons. Ses yeux perçants m’ont glacée. Je suis courageuse mais pas téméraire !!
J’ai quand même eu le temps de voir qu’il y avait un sacré bordel dans sa voiture.
A croire qu’elle a vécu dedans !
Ce qui m’a le plus intrigué, c’est ce sac de linge. Il me semble y avoir vu du sang.
Je ne sais pas quoi faire, qui alerter ?
Je vais en parler à Faustine. Elle aura peut être une idée ?
Ursula se dévoile peu à peu.
Je suis partie dès l’aube, le village dormait encore, il fallait que j’éloigne la 4L au plus loin. En entrant dans la voiture j’ai eu la sensation que quelqu’un avait dérangé le désordre qui y régnait déjà. Le reste de mon sandwich était éparpillé sur les sièges, mon sac de linge renversé et des petites crottes jonchaient le sol. A quelques kilomètres après le village j’ai trouvé un petit bois où j’ai pu dissimuler la voiture. Je repartis vers le village en emportant mon linge qu’il faudra que je lave discrètement, j’espère surtout que les taches de sang vont bien partir.
Je marchais sur le bord de la route lorsque je vis arriver le food truck de Léontine, je n’ai pas eu le temps de me cacher et lorsqu’elle est passée à ma hauteur elle a ralenti et m’a dévisagé d’un air peu avenant. Je lui ai fait un petit salut de la main, elle n’a même pas répondu et a aussitôt donné un coup d’accélérateur. Décidément très désagréable celle-là !
En traversant le village j’ai le sentiment d’être suivie, j’ai beau me retourner mais il n’y a personne. Je décide de me cacher à l’angle d’une rue et subitement un rat se plante devant moi, dressé sur ses pattes arrières il me fixe avec ses petits yeux rouges, quelle horreur, j’ai envie de l’écrabouiller. A peine avais-je levé le pied pour lui faire goûter de mon talon que j’entendis des grognements. Un chien et un chat se tenaient derrière ce sale rat, l’un me montrant ses crocs jaunes et l’autre, crachant, hérissé de la tête au bout de la queue. Me voilà dans de beaux draps, on aura tout vu, un rat avec des bodyguards ! Mais heureusement j’entends des pas, le rat décampe vite fait suivi de ses acolytes. C’est Mariette qui me sauve des griffes de ces enragés. Elle me salue et me dit que je n’ai rien à craindre du rat il est appartient à une famille hébergée au village et il est apprivoisé. Apprivoisé certes mais très mal éduqué en tout cas ce fouineur qui va déféquer dans mes affaires ! Mariette en mal de bavardages me dit combien elle est déçue par Antoine qu’elle hébergeait et qui finalement préfère partir s’installer dans la ville voisine. Ah celui-là, pensais-je, quel pétochard, il a suffit que je lui fasse les gros yeux pour qu’il se défile. Je n’ai rien pu en tirer mais peut-être qu’il ne sait rien après tout, le père et le grand-père avaient bien gardé le secret. Sentant Mariette en veine de confidences je décidais de l’interroger sur les parents d’Antoine et du fameux grand-père dont j’avais un vague souvenir, c’était il y a si longtemps ! Ce qu’elle me raconte ravive quelques souvenirs et pendant qu’elle me parle mes pensées s’éloignent vers une époque lointaine, celle de ma jeunesse. Je n’étais alors qu’une adolescente et je passais un mois d’été au centre de vacances d’un village près d’ici. Les animateurs étaient à peine plus vieux que nous… je l’aimais beaucoup ce Vincent mais notre idylle était venue aux oreilles de ses parents qui étaient venus le chercher à la colo et je ne l’ai plus jamais revu.
Mariette parlait toujours : « Louis Coustou, le grand-père d’Antoine, est décédé depuis quelques années, quant à son fils Vincent il est partit très jeune de la région, pour ses études. Il a épousé une fille de la ville et on ne l’a jamais revu dans le coin. Je pense que je vais en parler à mon amie Marie-Ange car je me demande maintenant ce que recherchait réellement son fils Antoine ».
Eh bien, moi aussi, Mariette, j’aurais aimé savoir, mais je ne vais pas en rester là ! Que vient faire Marie-Ange dans tout ça ? Mais oui l’ancienne secrétaire de mairie ! Je vais aller de ce pas lui rendre une petite visite et je plaque là Mariette qui doit se dire qu’elle a sans doute trop parlé encore une fois !
Marie-Ange me reçoit sur le pas de sa porte. Dès que je lui parle de Vincent et de son père Louis elle pâlit et se tord les mains. Sa réaction me conforte dans l’idée qu’elle sait quelque chose mais elle me rétorque que je devrais me mêler de mes affaires et que ce n’est pas une étrangère qui va venir mettre le souk au village. C’est vrai qu’avec mon nom d’emprunt elle ne peut pas savoir qui je suis mais je suis bien décidée à la faire parler, je la pousse à l’intérieur de son logement et ferme brutalement la porte.
Ah, Marie-Ange ton comportement est presque un aveu mais je devrais peut-être t’appeler Marie-Démon ! Il va te falloir parler car maintenant le temps m’est compté, je ne pourrais rester indéfiniment ici et je ne veux pas partir sans réponse.
Chez les potiers
Quand Antoine Coustou sortit de chez les potiers, une grande poche à la main, il croisa jean qui rentrait et remarqua immédiatement la disparition de la théière fétiche de Pauline.
– Tu lui as vendu ta théière ! Celle dont tu ne voulais à aucun prix te défaire.
– Elle lui plaisait… Il s’en va, alors…
Elle ne termina pas sa phrase car Ursula venait d’entrer et demandait avec cent minauderies à jean de lui apprendre à tourner. Il se plia volontiers à son désir, mais Ursula ne montrait guère d’intérêt à son apprentissage, et au deuxième échec, au bout de dix minutes, elle sortit sans rien dire.
Jean était décontenancé. Pauline lui lança un regard narquois. Jalouse sa femme ?
Chacun revint à ses activités routinières. Vers la fin de l’après midi, Pauline proposa à Jean un tour à pied. C’était encore inhabituel, mais la curiosité de Jean était piquée.
Lorsqu’ils furent assez loin du village, Pauline rompit le silence.
– Il faut se méfier d’Ursula. C’est une femme dangereuse…
– Jalouse, toi ! C’est bien la première fois…
– Écoute plutôt ce que m’a raconté Antoine Coustou. Il s’en va aussi prématurément, c’est pas seulement parce qu’il souhaite un point de chute moins isolé pour sa résidence d’écrivain…
– Ce sont plutôt ses histoires de famille dont on parle sans rien dire. Mais quel rapport avec Ursula ?
– Tu vas voir… laisse-moi tout te raconter. Voilà d’abord ce qu’il a obtenu les pipelettes du village. Pendant la guerre, son grand-père approvisionnait le maquis et passait des messages. Discrètement, il ne s’est jamais laissé prendre, en particulier par Maurice T., chef de la milice locale, ancien condisciple avec lequel il ne s’était jamais entendu . A la fin de la guerre Maurice T. a été arrêté par la résistance et exécuté. Il s’est raconté que le grand-père était à l’origine de l’arrestation mais franchement Maurice T. ne se cachait pas de son engagement et on n’avait pas besoin de dénonciateur. Le temps avait étouffé l’affaire, mais vingt ans plus tard, la veuve a fait appel au grand-père, seul lauzier à la ronde pour réparer le toit de la maison familiale. Peu après, à la mort de la veuve, les héritiers n’ont pas trouvé le magot espéré dans les combles … Ils soupçonnèrent le grand-père … sans preuve une fois de plus. Antoine n’avait pas grand-chose à leur opposer, car il n’a été chez son grand père qu’une fois, pour l’enterrement de la grand-mère. Depuis que le père d’Antoine était devenu instituteur, il n’avait plus vu son père et il n’en parlait jamais.
– Et Alors ? Ursula ?
-j’y viens. D’abord, très prévenante, elle a flatté son égo. Il a d’abord cru à une opération de séduction avec laquelle il a gardé ses distances…
-il préfère le genre… potière.
– Laisse moi finir. Il a bientôt compris qu’ Ursula cherchait autre chose. Elle semblait renseignée sur l’histoire du grand-père, mieux que lui… Les pipelettes ? Elles ne semblaient pas s’apprécier… Elle essayait de lui extorquer des informations… le bombardait de questions, jusqu’au harcèlement. Il n’arrivait pas à comprendre de quoi elle voulait parler. Elle a tenté le chantage.Il était de plus en plus mal à l’aise. Tout ça lui paraît très malsain , et comme il ne sait pas comment s’en dépêtrer, il a choisi de partir. Il ne veut pas faire de vague mais a tenu à nous prévenir du danger qu’elle semble représenter, dans la mesure où on l’héberge. Alors, ouvre l’œil, et pas seulement celui de séducteur… Et maintenant , rentrons, ça commence à fraîchir