Feuilleton village cherche habitants: épisode 7 la mécanique se met en place

La mécanique se met en place

Pour Ursula le temps presse.

Toute la nuit j’ai repensé aux révélations de Marie-Ange. Je n’avais donc pas rêvé ni eu d’hallucinations : j’ai eu un enfant, pourquoi tout le monde a voulu me le cacher ? A cause de cette prétendue folie ? Quand je repense à cette pauvre vieille, je l’ai bien secouée quand même, j’espère qu’elle ne va pas aller se plaindre auprès de la Mairesse. Celle-là, elle fait un grand détour dès qu’elle m’aperçoit, je pense qu’elle regrette de m’avoir acceptée si vite. D’ailleurs, elle n’est pas la seule, j’ai l’impression que tout le village m’évite ou m’espionne, jusqu’aux animaux comme ce sale rat et le chat enragé qui regardaient par la fenêtre de Marie-Ange hier soir, ils ont déguerpi à toutes pattes dès que je suis sortie de la maison. Mais peu importe il faut que je reste focus sur mon objectif et que tout cela se termine rapidement car l’article du journal risque d’éveiller quelques soupçons, heureusement il n’y avait pas de photo mais dans un prochain article, qui sait ?

Je décidai de partir faire un tour dans le village. Jean et Pauline étaient déjà affairés dans leur atelier. Je mis la tête par la porte entr’ouverte pour leur souhaiter le bonjour. Jean m’accueillit avec un grand sourire comme à son habitude mais Pauline était plus distante, je passais outre et finis d’entrer. Sans détour je leur ai demandé où je pourrais trouver Laurent. Pauline me regarda l’air surpris : Laurent Marty ? Dit-elle. Jeanl répondit : pourquoi tu en connais beaucoup des Laurent dans le coin ? Je l’interrompis vivement : oui, oui, c’est cela Laurent Marty, je dois aller lui rendre visite et Jean m’indiqua leur adresse sous le regard réprobateur de sa femme. Sans plus attendre je me mis en chemin.

En m’approchant de la maison je vis deux petits anges en train de jouer dans la cour, un garçonnet tout blond et une fillette. « Bonjour les enfants !» lançais-je avec un grand sourire. Les deux petits me regardèrent et vinrent en sautillant jusqu’au portail. Eux, au moins, je ne leur fais pas peur, tant mieux ils sont si jolis ces petits cœurs ! « Bonjour Madame, je m’appelle Léo, je joue avec ma copine, elle c’est Héloïse et toi t’es qui ? ». Je franchis le portail, m’assis par terre et entamai une discussion avec les enfants. J’appris ainsi que Léo était le fils de Laurent. Oh quelle joie ! Je suis donc grand-mère. Mais soudain une voix féminine nous interrompit « Les enfants, où êtes-vous ? ». Une femme femme apparut, surprise de me voir. Elle paraissait toutefois sympathique et pas du tout effrayée. Je m’excusais pour mon intrusion en prétextant une fatigue soudaine, elle m’invita à prendre un café, ce que j’acceptai vivement en la remerciant.

Elle se présenta : « Je suis Nadia, la maman de Léo. Vous savez, ce n’est pas souvent que nous avons de la visite, Laurent, mon époux est absent toute la journée pour son travail et comme moi je travaille à domicile je vois très peu de monde et j’avoue que cela me manque. Je ne vous avais pas encore vue dans le village pourtant il y a quelque chose en vous qui m’est familier. Peut-être dans les yeux, vous avez le même regard vert que Laurent ».

Et oui, ma petite, rien d’étonnant à cela ! Après une courte conversation, je pris congé. Sur le chemin du retour j’aperçus encore ces sales bestioles fouineuses qui guettaient mon passage. Elles ne me lâcheront jamais celles-là ! Ah vivement la fête de samedi, je sais maintenant que Laurent et sa famille y viendront.

Moi aussi je serais là !

***

SOLANGE à une amie.

Moi qui croyais que la vie à la campagne était calme, je me suis mis le doigt dans l’oeil jusqu’au coude !

Que d’effervescence !

Je suppose que la venue de personnes étrangères au village à tout bouleversé.

De nouvelles têtes, ça fait jaser. Les vieux de la vieille scrutent les faits et gestes des uns et des autres. Ah là, pas besoin d’alarme ou de caméra de sécurité : le panneau « voisins vigilants » tient toutes ses promesses!!

Tout se sait…ou presque !

La dernière nouvelle qui circule, ce serait la véritable identité de cette Ursula.

Il y a dans le journal régional la photo d’une femme qui lui ressemble beaucoup, même si la couleur de cheveux est différente.

Cette femme se serait échappée d’un asile psychiatrique en blessant une infirmière.

J’ai bien sûr fait le rapprochement avec le sang découvert dans la voiture d’Ursula.

Et toute son attitude trahit un désordre mental inquiétant.

J’aime bien ce village et j’aimerai y rester, mais les événements des derniers jours m’inquiètent un peu…

Notre période d’essais touche à sa fin et nous allons devoir tous faire le bilan de cette expérience particulière afin de déterminer qui reste, et qui part.

Une grande fête est en cours de préparation pour la fin de notre séjour, et les enfants, qui ont fini par se découvrir et s’apprécier, préparent un spectacle.

Ima, (tu sais, c’est la mère de Gabriella, la gamine qui avait peur des chiens), m’a demandé de garder ses filles pendant qu’elle va à la ressourcerie avec Julia (la gamine qui avait fugué). Ah ben oui, quand je te dis que ça bouge ici !!

Elles sont adorables ses filles, et d’une gaieté sans nom.

Nous avons passé l’après midi à chanter et à danser. Elles m’ont appris une de leurs danses africaines. Elles se sont bien moquées de moi en me voyant essayer de me trémousser comme elles au son des percussions avec soupleté et agilesse !!

Qu’elles sont belles lorsqu’elles sourient : la blancheur de leurs dents et les étincelles dans leurs yeux ont illuminé mon après midi !

Voilà le topo des dernières nouvelles.

Tu vois, je ne m’ennuie pas !

Ce serait génial que tu puisses venir pour me donner ton avis.

Je te bizouille

Solange

***

Ima

J’aurais voulu parler de ce qu’on a ri à la ressourcerie, de ma rencontre avec la maire du village, très abordable, mais il m’est arrivé quelque chose de trop important depuis.

A la sortie du cours de Yoga, Pauline disait à Faustine combien ils étaient débordés avec Jean, à la poterie, à cause d’une grosse commande. Ils se posaient la question d’embaucher quelqu’un, au moins pour quelques mois… cela pourrait peut être intéresser un des hôtes. J’ai eu un flash. Je me suis souvenue, que lorsque j’étais enfant, avant le grand malheur, j’avais une grand-mère potière qui s’était mis en tête de m’apprendre son métier… j’avais complètement oublié. C’était il y a si longtemps… Il me semble que j’aimais… C’est ce que je leur ai expliqué, sur le champ.

Pauline a eu un sourire magnifique et m’a proposé de passer à l’atelier, le lendemain. Elle a relativisé son offre en précisant que le travail qu’ils allaient me proposer n’était peut être pas très enthousiasmant. Je pourrais faire un essai.

Je n’ai pas beaucoup dormi de la nuit entre les souvenirs qui affluaient et l’excitation mêlée d’inquiétude quant à l’expérience du lendemain. Au petit matin, j’ai été surprise par la profondeur du silence et la lumière blafarde qui venait de la porte fenêtre dont je n’avais pas fermé les volets. Je me suis levée, en prenant soin de ne pas réveiller les filles et suis restée médusée… Tout était blanc… La neige ! Je ne l’avais jamais vue en vrai. J’ai sauté dans mes vêtements et suis sortie de la maison. C’était froid, ça mouillait, ça craquait sous les pieds. C’était drôle ! Je suis partie à la poterie, dès qu’il a fait jour. je m’enfonçais jusqu’aux genoux, j’étais la première à dessiner le chemin. Je riais toute seule… mais mes vêtements n’étaient pas très adaptés.

Il faisait bon dans l’atelier où j’ai été saisie par l’odeur de terre humide qui me ramenait à mon enfance. Pauline m’a présenté à Jean autour d’un café réconfortant près du poêle.Mes yeux parcouraient l’atelier qui ne ressemblait en rien à l’installation de ma grand-mère… Je les écoutais et restais silencieuse .

Ils m’ont expliqué la situation : ils avaient reçu une commande tout à fait inhabituelle d’un grand restaurant étoilé qui renouvelait sa vaisselle et désirait des pièces uniques, artisanales : des assiettes de présentation ,des plats et assiettes individuels à usages particuliers, des bols de toutes sortes, des pichets. Ce qu’ils attendaient de leur aide, c’était , dans un premier temps, la tâche un peu laborieuse qui consistait à vérifier les pièces, peaufiner le lissage si nécessaire avant que Jean ou Pauline ne les mettent à cuire.Après la cuisson, il y aurait de nouvelles vérifications, des ébarbages.

Je proposais de me mettre aussitôt à l’ouvrage. C’est vrai que c’était un peu monotone, mais ça ne me gênait pas. Chacun était à son poste, en silence… C’était un peu intimidant.

Vers 11 heures, Ursula a surgi dans l’atelier très énervée : elle avait croisé le garde forestier, le fameux Laurent Marty , pas commode ; il lui avait ordonné de ramener sa voiture au village, qu’elle n’avait rien à faire dans le bois…Elle avait voulu montrer sa bonne volonté mais en ouvrant sa voiture , elle avait découvert que tous les fils avaient été cisaillés. Elle pariait pour ce foutu rat… Elle le crèverait. Pauline et Jean lui ont promis de l’aider à réparer . Et puis Le garde, le Laurent, il était un peu ours mais il ne fallait pas s’affoler… Ursula n’était pas dans son assiette et n’a pas voulu partager un café, elle s’est éclipsée. Pensive, Pauline nous a dit s’inquiéter pour Ursula qui lui paraissait tracassée, plus malheureuse qu’inquiétante. Je crois qu’elle n’avait même pas remarqué ma présence.

L’atmosphère avait changé. Jean préparait la terre . Pour détendre l’atmosphère, Je lui ai raconté que, chez nous c’étaient les plus jeunes qui faisaient sortir les bulles et assouplissaient l’argile en la piétinant. De plus, la terre n’était pas lisse comme celle qu’il travaillait car on y rajoutait du sable. A son tour, il m’ expliqué comment il tournait les pièces alors que Pauline se spécialisait dans l’émaillage, toujours en recherche de nouveautés.

Midi est arrivé sans que je m’en rende compte. Ils m’ont proposé de revenir l’après-midi, en amenant Gabriella et Prudence qui souhaiteraient sans doute être avec moi.

Elles avaient passé une matinée extraordinaire avec Rose, Méline et les chiens à jouer dans la neige. Maintenant, tout avait fondu. Elles m’ont suivi avec plaisir et se sont très vite endormies, blotties l’une contre l’autre dans un vieux fauteuil près du poêle. Quand elles se sont réveillées , elles se sont rapprochées de nous avec curiosité et sérieux. Elles étaient fascinées par le tour. Sous le charme, jean leur a préparé une boule de pâte qu’il a posée sur une planche à leur portée et a enfilé un sac poubelle par dessus leurs vêtements pour qu’elles s’amusent. Tout en travaillant je les entendais se raconter doucement les histoires des formes qu’elles façonnaient. L’après midi a passé. Jean a monté un four.

Avant que je ne parte, il m’a proposé de lui monter comment j’avais appris à travailler.Tout le monde s’est mis autour de moi. C’était impressionnant. J’ai pris un peu de terre, façonné des boudins qu’il a appelés colombins et j’ai commencé à fabriquer un petit récipient. D’abord, mes gestes étaient un peu hésitants , mais ils sont revenus, rapides et précis. Mon bol était pratiquement aussi rond et fin que les siens. J’étais fière. J’ai pris un bâtonnet, tracé deux lignes parallèles entre lesquelles j’ai marqué des points espacés, puis dessiné des zigzags dessus et dessous : « ça, c’est la signature de ma grand-mère ! » Ils m’ont promis de me le faire cuire.

Au moment où nous quittions l’atelier, ils m’ont dit que je leur plaisais bien et qu’ils aimeraient que je travaille avec eux… mais ils auraient besoin de moi tout de suite.

Il me fallait bien une nuit de réflexion, que j’en parle avec les filles et puis aussi que je sache comment régler les choses matérielles, les inscrire à l’école, trouver à nous loger, faire toutes les démarches que je ne connaissais pas…

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