Où il faut bien que tout s’achève et se résolve…ou pas
Ima, le grand choix.
Je suis la seule à avoir un projet tout bouclé avant la fin du séjour… Mais plus les gens enthousiasment autour de moi, plus je doute… Certes Prudence et Gabriella s’épanouissent ici, mais, même si elle ne le dit pas, je sens la tristesse de Gabriella de s’éloigner de son amie Ada et ça me fait de la peine.
La mairie m’a proposé un appartement social dans une maison de la vieille ville qu’ils finissent juste de restaurer… Ils m’ont dit qu’ils m’aideraient à avoir les aides pour payer le loyer, et que ça commençait par deux mois gratuits, le temps de m’installer et de recevoir mon premier salaire. Je ne peux pas rêver mieux, au rez de chaussée, deux chambres, une grande douche aussi belle que celle de Marlène, une belle cuisine toute équipée, tout , très clair, et en plus, une petite cour avec un arbre. Je n’ai rien à y mettre dedans (Gabriella leur a dit, la honte!) . Irine, Mamadou, Faustine, Solange, Anne , Marlène, Benoît mes hôtes et leurs parents me pressent de ne pas regarder en arrière, d’accepter, le temps ferait le reste.
Pauline a décidé d’aller chercher mes affaires à Marseille avec sa camionnette… Ça m’a fait rire, parce qu’un coffre de voiture suffit bien . Julia s’est imposée pour nous accompagner…Drôle de gamine. Elle est à la fois heureuse et triste de retourner à Paris : elle a découvert avec moi une chaleur affective qui nous fait du bien et elle ne parle que de retours pour les vacances … Nous voilà parties et revenues avec mes trois sacs qui ballottent dans le vide et ma machine à coudre. J’ai le cœur serré. On est rentré tard. Je suis épuisée… mais pas moyen de dormir.
Vendredi après midi à cinq heures, après ma journée de travail à l’atelier, tout se précipite : je signe tous les papiers et récupère les clés. Gabriella m’accompagne jusqu’à la mairie et s’éclipse, m’expliquant avec son sérieux habituel, qu’elle a à faire.
Presque une heure en démarches et explications pratiques dont je me souviens à peine, et nous voilà enfin parties pour ma première vraie adresse.
J’ai d’abord vu de la lumière puis entendu des bruits de voix qui sortaient de « chez moi ». A la porte, Gabriella, radieuse m’attend et j’ai vu ! J’ai vu une table et quatre chaises dépareillées, un vieux buffet en bois très joli, une autre table avec ma machine à coudre posée dessus… Pas le temps de réaliser, il me semble voir un canapé gris avec des coussins… mais Gabriella me tire vers les chambres un grand lit fait, avec des barreaux de fers dans une, deux petits lits dans l’autre et quelques jouets. « C’est pas un rêve maman, c’est vrai ! Hier, avec Cyril on a fait tout le tour du village et récupéré des affaires dont les gens ne se servaient pas. On a tout nettoyé pour que ce soit beau quand tu arrives !… Et puis bientôt , on aura un chien, c’est Marlène qui me l’a promis. »
Je n’arrive pas à réaliser, je suis sans voix. Je tombe dans le canapé, c’est vrai qu’il y en a un, un peu défoncé mais il paraît que c’est « mon canapé ». Le poêle que l’on vient de poser ronronne et je ne sais pas d’où sortent les bûches (saurai-je le faire marcher?).
Cyril me sourit et affirme que ce n’est pas le moments de poser des questions, de dire que ce n’est pas possible puisque ça l’est, que je dirai merci plus tard, qu’il est temps de fêter ça.
C’est seulement à ce moment là que je réalise que tous les amis sont là, même Ursula la mine triste mais avec un bouquet de fleurs, vraisemblablement cueillies dans les parterres municipaux. Cyril a sorti du pain des fromages, des pâtés, du vin et des jus de fruits. Chacun a amené son couvert qu’il me laissera pour me « monter en ménage »… Je ne connais pas l’expression. Je finis par sortir de ma sidération et participer à la fête, gagnée par la chaleur naturelle de l’ambiance. Ils ont raison ; on réfléchira plus tard.
La soirée se termine très tard, on rentre encore dormir chez Marlène et Benoît, épuisées de tant d’émotions.Demain matin, avant la fête, on s’installera.
Adieu Ursula, bonjour Marianne.
Ursula était très bouleversée après sa rencontre avec Laurent qu’elle avait imaginé bien autrement. Lorsqu’il était arrivé, face à elle, au beau milieu du village, son cœur s’était mis battre très fort, mais elle avait vite déchanté devant son regard furieux. Tout ça à cause de cette vieille bagnole qui maintenant était en panne. Après l’avoir houspillé en public, il avait tourné les talons sans qu’elle eût le temps de répondre. Elle était restée plantée là, figée, sans voix. Se sentant observée, elle avait regardé autour d’elle et vu Karine Viguier, la Maire, au côté de Solange Gardien, son invitée, qui avaient toutes deux assisté à la scène. Solange était accompagnée de ses animaux, son rat perché sur son épaule, elle baissa la tête, sans doute parce qu’elle savait que c’était son rat dégoûtant qui avait saccagé la voiture. Même le rat détourna son regard rouge. De l’autre côté de la rue c’était la jeune congolaise, Ima, qui l’observait d’un air compatissant et qui avait esquissé un petit geste de la main en signe d’amitié en faisant un pas hésitant en avant comme pour venir à sa rencontre mais avait renoncé, sans doute par timidité. Les larmes lui étaient montées aux yeux et elle s’était senti soudainement lasse, elle avait choisi de rentrer au plus vite chez Pauline et Jean.
Le lendemain matin, Pauline fit venir un jeune homme, qu’Ursula avait déjà croisé au village. Il se présenta : « Bonjour, je m’appelle Mamadou, je vis chez Bastien et Cyril. Je pense pouvoir intervenir sur votre voiture, ce n’est pas mon métier mais j’ai toujours été passionné de mécanique et à mes heures perdues je retape de vieilles voitures. » Ursula le trouva sympathique et fut conquise par son grand sourire éclatant de blancheur, elle accepta et une heure plus tard elle put ramener l’auto au village. Malgré tout, elle était soucieuse car en sortant du bois une voiture était passée devant elle et il lui semblait avoir reconnu Antoine Coustou sur le siège passager. Cet Antoine qu’elle était allée voir un jour, cela ne s’était pas très bien passé. Il n’avait pas l’air de comprendre les questions qu’elle lui posaient et en même temps il avait l’air effrayé de ce qu’il pourrait apprendre. Il avait préféré fuir. Et maintenant il revenait mais qui conduisait ?
Non, Antoine n’avait pas fui, les questions d’Ursula à propos de son père et son grand-père était trop précises. Ce qu’il avait pu apprendre en enquêtant de son côté lui donnait à penser qu’il y avait un secret de famille. Il avait donc pris la route très tôt pour aller voir son père Vincent. Ce père qui ne parlait jamais de la famille et qui n’avait revu son propre père qu’une fois en cinquante ans. Ça en plus des ragots du village sur le grand-père, il était temps d’en finir. Il fallait qu’il sache.
Vincent Coustou était veuf depuis quelques années déjà lorsqu’il s’est retrouvé à la retraite. Il s’ennuyait et la solitude aidant il s’était mis à repenser à sa jeunesse et son premier amour Marianne. Marianne Beauregard, la bien-nommée, avec ses grands yeux verts qui attiraient comme un aimant. Qu’était-elle devenue ? Depuis que son père l’avait sommé de partir faire ses études à plus de cent kilomètres du village, il ne l’avait jamais revue. Il avait accepté sans broncher, à l’époque quand le vieux donnait un ordre personne n’osait se rebeller. Il avait été faible et s’en voulait encore. Et encore plus après que sa grand-mère très malade avait demandé à le voir, il était revenu et les révélations qu’elle avait faites le hantait encore. Car il n’avait rien fait, jeune marié, son épouse attendait leur enfant et il avait eu peur des conséquences que cette histoire aurait pu avoir sur leur vie.
Lorsque son fils Antoine avait surgi sans prévenir et lui avait raconté ce qu’il se passait à Castelvielh, en lui montrant le journal où figurait l’avis de recherche avec une photo, il l’avait reconnue tout de suite, ses yeux verts étaient toujours les mêmes, profonds et magnétiques. Et toutes ces questions posées par Marianne, qui se faisait appeler Ursula, le décidèrent enfin à parler à son fils. Il ouvrit un tiroir et en sortit une boîte en fer où se trouvaient quelques vieilles photos dont une qu’il posa sur la table devant son fils. Antoine observa la photo et reconnu la jeune fille brune aux yeux verts aux côtés de son père qui l’enlaçait. Alors Vincent lui raconta toute l’histoire, sa jeunesse, son grand amour, ce bébé volé, son père autoritaire et les complicités au village. Enfin tout ce qu’il savait déjà et ce qu’il avait appris plus tard, bien trop tard. Dès le lendemain ils prirent tous deux la route pour Castelvielh.
Mariette Tollis était inquiète, elle marchait précipitamment et arriva essoufflée chez son amie Marie-Ange Cassou. « J’ai reçu un coup de fil d’Antoine Coustou, il me demande de l’héberger aujourd’hui avec son père Vincent » lui dit-elle. « Ça ne me dit rien qui vaille, justement aujourd’hui, le jour de la grande fête, tout le village et les alentours seront là. Ah ma pauvre Marie-Ange ! Après tout ce temps, comment cela va t-il finir ? Enfin surtout pour toi ! ». Marie-Ange faisait grise mine, elle savait que cette histoire la rattraperait un jour mais tout n’était pas perdu. Après cinquante ans il y a prescription, elle décide d’aller voir la madame maire, Karine.
Karine Vigier avait le journal en main, elle fixait cette photo, depuis que Solange lui avait fait part de ses soupçons, elle pensait que le doute n’était plus permis, il fallait qu’elle prévienne la gendarmerie, mais était-ce le bon moment ? En pleine fête, la première depuis de début de l’année, l’arrivée des gendarmes va tout gâcher, non décidément ce serait donner du grain à moudre à mes opposants déjà qu’ils avaient tordu le nez lorsque j’avais accepté la venue de cette « Marianne/Ursula » sans leur en parler. C’est vrai que j’ai été un peu légère sur ce coup mais trop tard pour me flageller, pensa t-elle. Déjà une idée germa et sa décision fut prise.
Lorsque Vincent et Antoine arrivèrent chez Mariette, un comité d’accueil les attendait. Karine et Marie-Ange étaient là, bien décidées à les persuader de ne pas faire de vague au beau milieu de la fête ! C’est alors que Pauline arriva avec Ursula à la demande de Karine. Et ce fût l’heure des grandes explications. En fin de matinée tous sortirent de chez Mariette, les mines défaites et les yeux rougis. Ce fut très pénible, tout ce grand déballage, le grand-père Coustou, à l’origine de ce drame en avait pris plein le dos : les absents ont toujours torts ! Laurent devait-il savoir qu’on lui avait menti toute sa vie ? Les Marty qui l’avaient adopté, tous deux décédés maintenant, s’en étaient bien occupé, il n’y a pas à dire. Comment aborder la chose ?
Finalement tout le monde était tombé d’accord sur l’attitude à adopter et la messe fût dite ! Ils décidèrent de partir pour la fête.
La foule était rassemblée sur la place du village autour de l’estrade d’où sortait les premières notes de musique. L’ambiance était festive, les adultes riaient et les enfant se couraient après en poussant de petits cris joyeux. Laurent et Nadia étaient là. Le petit Léo voyant Ursula se précipita vers elle avec un grand sourire : « Bonjour, j’aime bien tes nouveaux cheveux, ils sont comme ceux d’une mamie. » Ses parents s’avancèrent et Laurent s’excusa de la façon dont il l’avait traitée mais qu’il était content qu’elle ait pu enlever la voiture du bois. Leurs yeux verts se contemplèrent un instant ce qui troubla fortement Laurent. Ursula lui prit la main et la gorge serrée lui dit : « Mon vrai nom est Marianne Beauregard. » Elle ne put en dire plus… plus tard peut-être. Vincent aussi était ému de voir ce grand gaillard, son fils, qui avait les mêmes yeux que sa mère mais pour le moment il s’en tiendrait à la promesse faite le matin même.
Le lendemain matin, la gendarmerie débarquait à Castelvielh, alertée par un coup de fil anonyme. Mais Marianne avait déjà pris la route avec Vincent qui avait décidé de l’éloigner du village et de s’occuper d’elle, après tout ce qu’elle avait vécu par sa faute et celle de sa famille, c’était la moindre des choses. Ursula disparue, Marianne va pouvoir enfin revivre.
Pour le reste on verra plus tard. L’histoire ne pourra pas se terminer ainsi.
***
Mamadou, C’est la fin
les vacances scolaires sont bientôt terminées. IL va y avoir la fête pour clore ces rencontres.
Le séjour chez l’habitant du « village cherchant habitants » va prendre fin.
Tous les invités devront prendre des décisions. Partir ou rester. Rien n’est simple.
Bien sûr nous avons été bien accueillis, les gens étaient bienveillants et jouaient le jeu. C’était le début. Ensuite…, c’est toujours très complexe.
Les gens sont gentils, mais pour combien de temps.
Il s’est passé tellement d’événements pendant ces quinze jours qu’on se demande comment les choses vont évoluer, surtout pour Ursula qui est arrivée comme un cheveu sur la soupe !
Règlements de comptes, vieilles rancœurs, antipathies anciennes. J’espère qu’on ne va pas au devant de ce type de rencontres.
Je veux croire aux sympathies naissantes avec les habitants, j’ai envie de faire des choses intéressantes avec eux, de tisser des liens solides.
Je suis optimiste.
Chaque invité a sa propre histoire avec sa famille d’accueil.
De notre côté, Irine et moi sommes heureux de notre rencontre avec Bastien et Cyril.
Nous avons envie de tenter l’expérience de vivre ici, le temps qui nous plaît.
J’ai trouvé du travail. Irine a des projets, nous avons trouvé aussi une maison que nous allons retaper.
Nous avons besoin de nature et d’un contact avec la terre. Nous voulons voir la séquence des saisons à la campagne.
Nous sommes comme ces enfants qui piaffent tels des chevaux sauvages.
Un besoin de liberté.
Voilà, c’est peut-être naïf, mais nous préférons regarder le bon côté des choses. Les gens sont gentils et aiment rendre service. Nous aussi. Alors c’est le moment de chanter et de danser pendant la fête.
***
Solange à son amie
C’est dommage que tu n’aies pas pu te libérer pour venir au village, la fête était géniale.
Il faut que je te raconte ce qu’il s’est passé avec Ursula.
Première chose : elle s’appelle en réalité Marianne.
Je t’avoue que je m’en veux d’avoir été si méfiante et si distante avec elle.
C’est une pauvre femme qui a été malheureuse toute sa vie.
Je te la fais courte : lorsqu’elle était jeune, elle est tombée amoureuse d’un gamin du village. C’était réciproque. Ils partaient souvent tous les deux pour regarder les feuilles à l’envers dans la forêt voisine, cherchaient des tonnes d’aiguilles dans les bottes de foin, faisaient des bêtises derrière l’église…bref…ils n’ont pas fait qu’enfiler des perles !
Bien sûr, tu connais la qualité des cours d’éducation sexuelle de l’époque, et tous les tabous qui plombaient les familles ; ce qui devait arriver, arriva : elle est tombée enceinte.
Ils auraient aimé garder et élever cet enfant de l’amour, mais les familles respectives n’étaient pas d’accord, surtout le père du garçon qui était autoritaire et puissant au village.
Il a donc fait en sorte d’éloigner son fils, de faire accoucher Marianne ailleurs et de faire adopter l’enfant avec la complicité de certains villageois.
Ensuite, Marianne a été internée dans un hôpital psychiatrique d’où elle s’est enfuie récemment pour retrouver son fils.
Ils ont tous finis par se retrouver.
La fin est belle, mais que de souffrance endurée pendant tout ce temps.
Je ne peux que compatir pour Marianne.
Je te raconterai les détails quand tu viendras.
Tu l’as compris, je reste à Castelvielh. Les villageois ont accepté ma candidature, et moi la leur !
J’ai déjà cherché une maison à acheter, et je crois bien avoir trouvé mon bonheur.
Il faut que tu viennes pour me donner ton avis.
Il faut aussi que je t’annonce que je vais certainement être grand-mère !
Et oui, ma jolie Skippy est aussi allée faire des bêtises derrière l’église avec le bel Hector !
Les enfants ont trouvé très drôle de voir les chiens cul à cul. Ils avaient l’air malin, tiens !!
Je te préviens tout de suite : je te réserve un chiot, il sera magnifique !
Je t’embrasse bien fort. Solange
Poème de Faustine , lu pendant la fête.Impressions
Perché en haut des monts où le vent se régale
Castelvielh s’anime sous des pierres royales .
Les toits de lauze grise et les roches de granit
Gardent la pause du temps à jamais reconduite .
Les senteurs de châtaigne courent dans les ruelles
Les pas tirent du sommeil des histoires irréelles.
Les fontaines murmurent à l’ombre des érables
Les mystères souterrains parfois inavouables.
Quand sonne l’Angélus et vient le crépuscule
Le village résonne de mille conciliabules
La rivière soupire et les branches frémissent
Dans cette Ardèche métisse , belle comme une oasis .
Karine Vigier, la Maire, le dimanche du départ
Comment imaginer qu’inviter quelques familles à séjourner chez nous pour leur donner envie de s’installer , allait déchaîner une telle tourmente?Les quinze jours les plus longs et les plus courts de ma vie !
Tout avait bien commencé : au village, de nombreuses familles prêtes à jouer le jeu d’accueillir des inconnus chez elles, des invités sympathiques, représentant tout l’éventail de la société française…Bien sûr il y a eu quelques grincements anonymes, sur les débuts de submersion… ma volonté de pervertir les traditions ancestrales.. .C’était attendu.
Par contre, ce qui ne l’était pas, c’était la disparition inquiétante de Julia, une adolescente un peu rebelle accueilli chez les Marty. Panique… mais une solidarité immédiate et générale. Le recours à la police était imminent quand Mamadou les a repérés. Avec Cyril et Bastien , ils nous ont donné une leçon d’efficacité grâce à leur inventivité, leur humour et leur flegme… et ils n’en ont tiré aucune gloriole. La tension a pu retomber… et les deux ados plutôt gonflés et inconscients de l’angoisse qu’ils avaient suscitée,se sont même permis de faire un sketch sur leur aventure lors du spectacle de samedi… Espérons seulement qu’ils ne sont pas revenus à trois. Ce matin, Stéphane Mercier, le père semblait soulagé de regagner la capitale, son fils aussi, ce sont des vrais citadins mais Julia a beaucoup pleuré en quittant Ima. Elle s’est beaucoup attachée à elle… On a tout misé sur la crise d’adolescence, on a oublié que le séisme du décès de la mère depuis seulement deux ans.
Je ne mettrais pas ma main au feu qu’ils ne reviennent , après réflexion…
On a aussi eu nos petites déconvenues, le départ hâtif de Léontine et Eléonore C’est peut être un désaccord du couple sur la possibilité d’installation, face à la réalité de notre campagne, mais ça a beaucoup perturbé Anne Cristin. Heureusement que l’ amitié que lui ont témoigné Irine , Faustine et Ima l’a rasséréné.
Quant à Antoine Coustou, je dois dire que je n’ai pas compris son départ précipité. Il avait le projet le plus abouti, un beau projet.On lui avait fait part, avant son arrivée, de lieux qui pouvaient lui convenir , financièrement accessibles. C’est vrai que les rumeurs ont vite couru. Dans nos villages les histoires relatives à l’occupation allemande, la collaboration et la résistance sont toujours vivaces… Antoine était bien venu enquêter sur son passé, il pouvait s’attendre à des révélations. Marie Ange n’a pas été très adroite, je le lui ai fait remarquer. Mais ce que personne n’avait vu venir, la véritable bombe , c’est Ursula qui l’a faite exploser. Mais quelle idée j’ai eu de accueillir… la sulfureuse Ursula. Je n’ai pas douté un instant de sa sincérité à vouloir découvrir le village… Je m’en suis vite mordu les doigts…et lorsque les journaux ont publié l’article sur la fugueuse de l’hôpital psychiatrique, je l’ai aussitôt reconnue. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle allait nous apprendre… Les gens de ma génération qui étions en classe avec lui, n’ont jamais mis en doute la filiation de Laurent Marty, fils unique d’une famille qui ressemblait tant à la notre. Quelle histoire, quelle tragédie pour Ursula !. Heureusement qu’on a pu garder la révélation dans un cercle restreint…et que la police est arrivée après son départ… Que va-t-il advenir d’elle ? Il faudra beaucoup de doigté pour mettre Laurent face à son histoire, mais c’est indispensable. Il faut que chacun prenne le temps de la réflexion.
Et maintenant, le village va retrouver, ou pas, son harmonie et sa sérénité agreste que Faustine a si bien su traduire dans le poème qu’elle nous a lu à la fête. Nous la retrouverons bientôt ainsi que tous ceux qui ont déjà bien pris leurs marques et ont commencé à les imprimer,dans le village. Ils arriveront, chacun à leur tour, comme de vieux amis. Et déjà , on a eu l’heureuse surprise pour Ima. Ça a été le coup de foudre avec les potiers. Elle va commencer à construire une vie loin du drame de sa vie jusqu’ici. Et ce qui m’a fait vraiment plaisir, c’est l’élan général de solidarité pour lui permettre de s’installer. Je suis fière de mes concitoyens, et ça me laisse supposer qu’on n’a pas eu tort de tenter l’expérience.